[Version du 25.04.23]
Un des objectifs du Mouvement pour des Savoirs Engagés et Reliés est de développer et nourrir les relations entre personnes impliquées dans la production des savoirs.
Si vous vous posez des questions sur vôtre rôle dans la production des savoirs “académiques”, vous avez des doutes sur les impacts et le sens de vôtre travail, si vous questionnez la prise de décision concernant les thématiques et la manière de produire des connaissances dans vôtre institution, vous n’êtes pas lea seul·e et vous pouvez :
- explorer et contribuer la cartographie des acteur·rice·s qui se posent des questions semblables, peut être y a t’il près de chez vous des collectifs déjà existants ? Nous demandons systématiquement aux personnes ou collectifs rentrant dans le MSER d’être à l’écoute des dissontant·e·s. Nous avons également compilé une liste d’organisations qui agissent dans ce périmètre, nous préparons sa publication.
- participer à une des rencontres du MSER, elles peuvent avoir lieu près de chez vous, certaines sont en format hybride. Nous testons un outil, vos retours et contributions sont précieuses.
- lire les témoignages de dissonant·e·s que nous commençons à recueillir sur notre site (et nous faire parvenir le vôtre).
- nous écrire à je_dissone@mouvement-ser.org pour être mis·e en relation avec une personne qui peut échanger avec vous entre pairs.
- vous tenir au courant en vous inscrivant à la liste de diffusion “Mouvement pour des Savoirs Engagés et Reliés”
Témoignages de dissonant·e·s
Je m’appelle Elsa Jourdain, je suis vétérinaire épidémiologiste chargée de recherche sur la thématique des zoonoses, c’est-à-dire les maladies transmissibles en animaux et humains.
Je dissone car j’ai une grande sensibilité et je trouve normal de m’impliquer personnellement et émotionnellement dans ma recherche. J’accorde notamment beaucoup d’importance aux liens humains mais ces derniers ont été grandement réduits dans mon environnement professionnel où toutes les démarches impliquent le recours à des procédures, à effectuer en ligne, via tout un panel d’interfaces et de logiciels qui changent régulièrement : pour badger et « prouver » que je travaille (alors que le fait que je « badge » n’est en aucune mesure garante de la qualité de mon travail), pour rendre compte du temps que j’ai consacré à telle ou telle activité, pour réserver ma chambre d’hôtel via les « marchés » soi-disant moins coûteux, etc… Sachant que je souffre de troubles de convergence oculaire, chaque minute passée sur écran est source de fatigue qui nuit à la réalisation de mon « vrai » travail qui devrait consister à « faire de la recherche ». Je suis aussi intimement convaincue qu’un chercheur perd en créativité en étant contraint de travailler à des horaires obligatoires. Enfin, je considère qu’une personne électrosensible a sa place dans mon unité de recherche et mérite qu’on lui permette de travailler dans des conditions compatibles avec sa santé, sans avoir à affronter des montagnes d’obstacles médico-juridico-administratifs au motif d’une égalité nécessaire.
Ressource que je trouve utile :
- Isabelle Stengers, Une autre science est possible
- Le MSER et mon syndicat SUD Recherche : rejoignez-nous !
Je m’appelle Ewa Zlotek-Zlotkiewicz, j’ai un doctorat en biophysique cellulaire, mais j’ai bifurqué après ma thèse. Aujourd’hui je partage mon temps professionnel entre un post à Klask ! Docteur·e·s et innovation sociale et une activité indépendante d’intermédiaction science-société dans la coopérative d’activité et d’emploi L’Ouvre-Boites.
Je n’ai jamais été vraiment motivé par le “rêve du scientifique fonctionnaire”. J’ai adoré faire de la recherche, être à la payasse, faire des ponts avec la société, participer à des conférences etc. Mais j’ai vite vu que si je continue dans l’académie, SI j’ai la grande chance d’avoir un poste, après d’énormes sacrifices et sous des injonctions paradoxales, je ne pourrais pas continuer à faire ce que j’aime le plus en recherche. Malgré la stimulation intellectuelle et les rencontres incroyables que j’ai pu faire, j’ai trouvé que le milieu de la recherche était rude, trop pour que je puisse m’y épanouir. En plus de ces dissonances très personnelles (mais qui résonnent à d’autres niveaux !) j’ai beaucoup questionné le fait que, en tant que chercheur·e·s en France, nous ne produisons pas des communs. Je trouve que la science va trop vite, qu’on ne se pose pas assez de questions ou on veut la faire aller, avec qui, comment et pourquoi. Les résultats de cette précipitation sont délétères pour les scientifiques, leur travail, mais aussi la société, car le contrôle des connaissances est dans les mains d’une poignée de personnes (et je ne suis pas sûre d’avoir les mêmes valeurs qu’elles).
Ressource que je trouve utile : J’ai écouté et réécouté la conférence “Faut-il continuer la recherche ?” d’Alexandre Grothendieck au CERN de 1972. Lien
Crédit photo : Baptiste Soubra
Je m’appelle Mélodie Faury, formée à la biologie moléculaire et cellulaire, j’ai soutenu une thèse en études de sciences à partir de la question « que signifie être biologiste ? », je travaille aujourd’hui au soutien des recherches participatives à l’Université de Strasbourg, j’enseigne dans le cadre du Master Sciences-Société et je travaille à des formes de fabulation, vers la joie politique.
Je dissonne car : Je travaille sur les récits, les formes orales et écrites, les manières de dire l’indicible, de faire compter ce qui est silencié, anéanti, de répondre aux fantômes, de mener l’enquête sur les matrices de domination qui nous fabriquent, les êtres qui nous agissent, la possession et la manière de retrouver une puissance d’agir face à ce qui nous traverse, collectivement.
Je cherche les moyens matériels pour faire commun, situation par situation – et surtout dans mon lieu, celui de l’enseignement, les recherches et sciences participatives et la fabulation.
Je suis dans un lieu “entre”, que nous habitons grâce à nos amitiés, nos engagements, au soin que nous portons à nos attachements – des alliances qui démultiplient les modes d’existences et leur soutenabilité – même quand nous sommes encore illisibles dans les trames dominantes.
J’écris, j’enquête, je cherche, je raconte, je chante, je brode, tricote et recouds, je fabule, je poète, j’écoute. Les voix multiples, les peuples d’êtres-autres-qui-comptent qui nous (re)constituent.
Avec des ami.es, nous instituons l’ininstituable, nous activons l’indéfini – en co-fondant l’Institut du vide et des savoirs fragiles / des désirs et voix multiples / des mondes possibles et des savoirs libresRessources que je trouve utiles : le travail d’Isabelle Stengers, d’Emilie Hache, de Donna Haraway, Benedikte Zitouni et Vinciane Despret.
Je m’appelle David Gabriel Bodinier. Ma première rencontre personnelle avec des chercheurs-euses, c’était avec le mouvement urbain la [Rage du Peuple] dans le quartier de NOailles à Marseille (https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Rage_du_peuple). Des sociologues sont venus nous rencontrer car ils étaient intéressés par nos activités qui mêlaient cultures urbains, mouvements d’habitants et altermondialisme. Au début nous avons eu beaucoup de méfiance car nous confondions sociologue et RG ! Malgré tout, c’est là que j’ai commencé à découvrir la recherche action participative. J’ai commencé à faire des récits de vie avec les membres de mon groupe : Keny Arkana, Faianatur, Sista Micky… La recherche-action participative m’a permis d’avoir de la réflexivité sur les raisons profondes de mon engagement et mon parcours de vie. Je me suis alors intéressé aux enjeux de formation des leaders sociaux avec Marti Olivella à Barcelone tout en contribuant au secrétariat du forum social mondial. J’ai rejoins l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (AITEC) où j’ai découvert l’approche française de l’expertise citoyenne. J’ai ensuite co-monté une experimentation des méthodes du community organizing à Grenoble incluant des liens avec des chercheurs (Hélène Balazard, Julien Talpin…) permettant une plus grande diffusion des méthodes du pouvoir d’agir en France. Depuis 2012, je travaille pour une association Next Planning pour soutenir des mouvements d’habitant-es dans les quartiers populaires sous la forme d’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU), Assemblée des communs, table de quartiers…
Je m’appelle Méline Habert et j’ai un parcours totalement biscornu… Je suis sociologue/chargée de développement associatif/coordinatrice de projet de recherche participative… mais aussi femme de ménage… Bac Pro en horticulture, BTS aménagement paysager… puis bifurcation dans la maçonnerie écologique… puis… maladie ce qui m’a “obligée” à retourner à l’école où j’ai passé une licence de sociologie. Après 3 ans de socio, je me suis dit que je souhaitais retourner à la maçonnerie écolo. Et oui, écrire des livres et des articles, c’est stylé, mais la réalité des changements sociétaux sont bien plus hypothétiques… Alors que retaper des murs avec des matériaux sains, beaux et durables, ça, ça change la vie des gens de manière sure ! Mais, physiquement, c’était impossible. J’ai donc trouvé du travail. Enfin, de quoi (sur)vivre. Il m’a fallu dix ans avant de dire stop et de retournée à la fac. Grace à un écrit “grande utilité, petite reconnaissance” je suis rentrée en Master2 Politique Sociale et Développement Territorial. Aujourd’hui, je travaille à l’Université Jean Monnet de Saint Etienne pour l’association ESS’quiSS mais mon poste étant sur Appel à Projet, je ne sais jusqu’à quand… L’Université est sous pression du capitalisme et du néo-libéralisme… Les transitions écologiques, économiques, sociales et démocratiques doivent se faire urgemment, mais est-ce le cas ?
Je dissonne car : Je me suis toujours sentie “à côté”. Pas scolaire, pas “normale”, pas “adaptée”… A l’école, je ne comprenais pas ce qu’on attendait de moi… Les enseignements que j’ai reçu étaient toujours plus ou moins inadaptés. Pesticides et pétrole dans les espaces verts, développement durable inexistant, ma vision du jardin était plus celle de Gille Clément que des enseignements de l’époque. J’ai toujours remis en question notre monde occidental, nos modes de vie, notre alimentation, notre rapport à la vie, au vivant. A 15 ans, tout remettre en question, c’est logique, à 25 ans, passe encore. Mais à 40 passé, il parait que ce n’est pas normal… Pourtant, aujourd’hui, le concept de développement durable est dévoyé politisé, galvodé… La société de consommation ne m’a jamais satisfaite mais l’omniprésence de l’achat comme but de la vie est partout. Bref, je ne me sens pas à ma place, j’ai parfois envie d’aller vivre en amazonie… mais je crois que là-bas aussi, les conditions se dégradent…
Dans mon parcours de vie, je ne me suis jamais sentie faire partie des intellectuel-les et pourtant, ma validation de Master 2 me permet de faire une thèse. J’adore écrire mais à quoi bon ? Dans quelles conditions vais-je rédiger cette potentielle thèse ? La guerre des gang !? Le néo-libéralisme galopant !?? Je ne sais pas… Ai-je su ? Et surtout, mon sujet sera-t-il utile aux citoyen-nes de ce monde ? Mes écrits pourront-ils avoir du sens dans l’urgence de l’effondrement des espèces et des ressources planétaires ? Allé, j’arrête là… Mais vous avez compris !!
Ressource que je trouve utile : J’ai lu Bourdieu, Chomski, Socialter, Rautenberg… J’ai vu The Corporation, La fabrique du consentement, écouté Kenny Arkana et j’ai apprécié de me nourir de média hors norme, loin du mainstream !